Afrique : les armes flinguent le développement
Conflits, pauvreté, violations des droits de l'Homme, gaspillage des
ressources, corruption… Dans un récent document, l'organisation internationale
Oxfam montre les ravages du commerce des armes, notamment en Afrique, et milite
pour la mise en place d'un traité international. la RDC La France
L'Afrique subsaharienne n'atteindra aucun des OMD pour l'échéance de 2015
(…) Les transferts d'armes irresponsables qui alimentent les conflits, la
pauvreté et les graves violations des droits de l'Homme en sont une des
raisons. Telle est une des conclusions sans appel d'un document
d'information de l'organisation internationale Oxfam, intitulé Les OMD
flingués. Comment les transferts d'armes irresponsables minent les objectifs du
Millénaire pour le développement* et rendu public le 8 octobre dernier.
Entre 1990 et 2005, 23 pays africains ont perdu à eux tous une somme
estimée à 284 milliards de dollars suite à des conflits armés alimentés par des
transferts de munitions et d'armes (…). Entre 1996 et 2005,
Deux tiers des pays qui, selon toute vraisemblance, n'atteindront pas les OMD
sont actuellement en guerre ou sortent tout juste d'un conflit. En RD
Congo, entre 1998 et 2006, 90% des décès (4,8 millions) apparus au cours des
conflits et dans la période ultérieure étaient dus à des maladies infectieuses
évitables, à la malnutrition et à des conditions néonatales ou liées à une
grossesse apparaissant dans un environnement pauvre en ressources. Ce chiffre
inclut les 2,1 millions de décès survenus après la fin officielle de la guerre
en décembre 2002.
L'exemple du Liberia
Dans d'autres pays plus stables, Oxfam pointe du doigt un détournement des
ressources qui pourraient être dédiées à l'éducation, à la santé et au
développement social. Au gaspillage s'ajoute quelquefois la corruption. Au
Nigeria, l'ONG dénonce des dépenses militaires peu transparentes et mal
contrôlées. Autre exemple : l'Afrique du Sud qui paye en moyenne 530
millions de dollars par an jusqu'en 2011-2012 pour un contrat d'armes qui a
déjà mené à des condamnations pour corruption. En même temps, environ 425
millions par an seraient suffisants pour que chacun puisse gratuitement
disposer de l'eau dans tout le pays.
Les gouvernements africains ont, entre leurs mains, une partie de la solution.
Depuis le cessez-le-feu de 2003 et l'élection en 2005 de la présidente Ellen
Johnson-Sirleaf, le Liberia, ravagé par une guerre civile qui a fait 250.000
morts et plus d'un million de déplacés, semble montrer la voie… Depuis deux ans,
les experts des Nations unies chargés de surveiller le respect de l'embargo sur
les armes n'ont noté aucun trafic significatif. L'embargo actuel de l'ONU ne
concerne pas les armes et les munitions de l'armée et de la police, mais impose
un marquage strict et une surveillance attentive pour qu'elles ne soient pas
utilisées à d'autres fins. Le nombre d'armes à feu en circulation a
considérablement diminué grâce à un programme de désarmement et de
démobilisation s'étalant sur deux ans, combiné à de nouveaux contrôles
renforcés sur tout le territoire, note Oxfam, avant de souligner les
premiers bienfaits de la réduction de la violence armée, notamment une
augmentation de 24% des inscriptions dans l'enseignement primaire pour les
filles et 18% pour les garçons.
Pour un traité international
Les pays riches doivent aussi assumer leur part de responsabilité, en
respectant leurs engagements en matière d'aide au développement et en
moralisant, eux aussi, certaines pratiques.
À l'échelle internationale, l'organisation milite pour la mise en place d'un
Traité sur le commerce des armes (TCA), qui sera bientôt débattu à l'ONU et
permettrait de stopper un transfert d'armes qui remettrait en cause le
développement d'un pays (…), comporterait des risques de mener à des violations
sérieuses des droits économiques, sociaux et culturels et risquerait de provoquer
ou d'exacerber des conflits armés et d'impliquer des actes de
corruption significatifs.
Une parade, peut-être à des scandales, comme celui de l'Angolagate, affaire
actuellement jugée en France. Dans ce dossier, les ventes d'armes soviétiques
et françaises présumées illicites se montent à 790 millions de dollars, près de
deux fois le budget angolais pour la santé en 2005... La guerre en Angola a
fait 500.000 victimes entre 1975 et 2002. Aujourd'hui, près de 70% des
habitants vivent avec moins de 2 dollars par jour et trois sur cinq n'ont pas
accès à l'eau potable…
Emmanuel De Solère Stintzy pour Syfia International (France)